Par rapport à ses prédécesseurs, ce prix du Jury œcuménique de Cannes entre davantage dans la catégorie d’Adoration d’Atom Egoyan ou de Caché de Michael Haneke que dans celledes Hommes et des dieux de Xavier Beauvois : This must be the place fait partie de ces films qui ne s’offrent pas au premier regard et ne se laissent que progressivement apprivoiser. Ici, pas de classique parcours scénaristique aux étapes soigneusement articulées, mais une déroutante sensation de puzzle aux pièces éparpillées ou manquantes, ou encore d’édifice à l’architecture déconstruite.
Mais une telle déconstruction n’est pas gratuite, ni destinée à perdre le spectateur. Elle est à l’image du héros du film, ce Cheyenne dont Sean Penn fait un personnage inoubliable : maigre, vêtu de noir, le dos voûté et les jambes en arceaux, la figure blafarde dans un nid de chevelure broussailleuse, la bouche maquillée de rouge, la lèvre inférieure crachotant obliquement un souffle pour chasser une mèche obstinée, traînant derrière lui une valise de cabine à roulettes et répétant : « Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond ici ».