Personnages cultes

« Wolfs » de John Watts et “The Room Next Door” de Pedro Almodóvar à Venise en 2024

© Biennale Cinema 2024


Aucune apparition de star sur le tapis rouge n'a suscité autant d'enthousiasme hystérique que celle de George Clooney et Brad Pitt. Les beaux hommes d'Hollywood présentaient leur film « Wolfs » (Loups solitaires), qui était projeté hors compétition. En fait, l'histoire commence de manière passionnante. Dans un hôtel de luxe new-yorkais, une éminente procureure s'apprête à passer une soirée érotique avec un homme de 30 ans son cadet, qui se retrouve soudain mort sur le sol. Dans sa détresse, elle fait appel à un spécialiste des situations précaires, joué par George Clooney en 'nettoyeur professionnel de scènes de crime'. La situation semble sauvée jusqu'à l'arrivée de Brad Pitt, à qui la direction de l'hôtel a confié la même tâche. Pour le meilleur ou pour le pire, les deux doivent travailler ensemble.

© Sony Pictures


Ce qui commence comme un thriller dans le New York de la nuit se transforme rapidement en une histoire de gags avec un casting de stars. Les dialogues entre les deux hommes sont délibérément drôles, mais prévisibles. Au fil du film, le scénario s'effiloche à vue d'œil, des personnages apparaissent et disparaissent sans apporter grand chose à l'histoire. A la fin, ils doivent aider le prétendu mort, qui est soudainement revenu à la vie, à transporter une énorme cargaison de cocaïne vers la bonne destination. En chemin, la mafia albanaise, puis croate ( ?), font leur apparition. Mais nos héros restent cools même lorsque leur BMW noire  est complètement criblée de balles.
La conférence de presse qui a suivi a été plus divertissante que le film lui-même. George Clooney a démontré ses qualités d'animateur percutant et a brillé par de petites allusions au récent lifting de son partenaire.

© Biennale Cinema 2024


Pedro Almodóvar est le réalisateur espagnol par excellence, un auteur culte du cinéma d'art et d'essai européen. Son premier film en anglais était annoncé pour Venise, « The Room Next Door », d'après le roman de l'auteur new-yorkais Sigrid Nuñez « What Are You Going Through » (titre français : Quel est donc ton tourment ?). Le directeur du festival, Alberto Barbera, a annoncé le film comme un chef-d'œuvre absolu, l'œuvre « la plus dérangeante et la plus déchirante » d'Almodóvar de ces dernières années, une étude unique sur le thème de l'euthanasie. La plupart des critiques ont été tout aussi enthousiastes, et lors de la première, 17 minutes d'applaudissements auraient été réservées.

L'écrivaine Ingrid (Julianne Moore) s'occupe de son amie Martha (Tilda Swinton), une reporter de guerre atteinte d'un cancer. Après l'échec de son traitement contre le cancer, Martha veut mettre fin à ses jours. Mais pour cela, elle a besoin de l'aide d'une amie qui doit être là pour elle dans la chambre d'à côté. Pour faire passer cela pour un congé sabbatique, elle loue une maison chic à Woodstock, au nord de New York.

L'argent ne semble pas être un problème, si l'on doit mourir, que ce soit au moins dans un environnement coûteux et élégant. Le dilemme de cette aide à l'amitié réside dans le fait que tous les dialogues sont accompagnés d'une musique d'ambiance correspondante, ce qui crée un certain effet de dédoublement et laisse peu de place à l'imagination des spectateurs. Par moments, les dialogues ressemblent à des maximes sur la vie et la mort. Martha se plaint du néolibéralisme et de l'extrême droite, tandis que John Turturro, son ex-amant, prédit la fin prochaine du monde face au changement climatique dramatique.

Le « name dropping » démonstratif est étrange. La brève nouvelle « The Dead » de James Joyce est constamment citée. Les références à Faulkner, Hemingway, Edward Hopper et Martha Gellhorn témoignent de l'arrière-plan cultivé des personnages, sans pour autant contribuer à la dramaturgie. La backstory sur la fille de Martha et son père, qu'elle n'a jamais connu, et l'éloignement qui en résulte pour sa mère, est également peu rigoureuse.

© Giorgio Zucchiatti / La Biennale di Venezia, Foto: ASAC


L'humour subversif qui caractérisait les premiers films d'Almodóvar a ici totalement disparu. Le cinéaste madrilène autrefois anarchique est devenu une marque et s'est figé dans la posture du réalisateur culte admiré au niveau international. La marque Almodóvar est désormais plus facile à commercialiser aux Etats-Unis que dans son Espagne natale.
Si vous voulez voir un film réussi sur le thème de l'euthanasie, allez voir la tragicomédie de François Ozon « Tout s'est bien passé » (2021) avec André Dussollier et Sophie Marceau. Ou le drame italien « Miele » de Valeria Golino, avec la formidable Jasmine Trinca dans le rôle d'une aide à mourir, qui a été récompensé par le jury œcuménique à Cannes en 2013.