Il y a longtemps que je t'aime
Philippe Claudel a été enseignant en prison pendant de longues années et cette expérience l'a sans doute marqué, comme il le fait dire à Michel, ce collègue de Léa qui devine peu à peu le secret de Juliette (sobrement et subtilement joué par Kristin Scott Thomas). Et sur cette problématique, le film est bien mené : il nous fait comprendre combien un prisonnier libéré (et encore sous contrôle judiciaire) traîne encore comme un boulet cette peine qui est soit-disant terminée. Employeurs réticents ou accusateurs, famille méfiante, relations excitées par la curiosité, tout concourt à rejeter sans cesse Juliette hors de la vie "normale" dans laquelle elle tente de reprendre pied. Et encore peut-on dire que Juliette a de la chance : une soeur l'accueille. La thématique de la solidarité familiale est abordée à travers la question de savoir si Léa a "abandonné" Juliette pendant ces 15 années de prison ou si elle a, malgré les pressions familiales, continué à penser à elle et à espérer son retour. Ce qui domine le film c'est l'idée qu'il faut savoir attendre : Léa se refuse à harceler sa soeur de questions sur ces années de réclusion mais surtout sur son crime. Elle préfère favoriser le retour progressif à des souvenirs de ce qui faisait, autrefois, leur complicité. Et c'est par l'intermédiaire de la fille de Léa, apprenant avec Juliette à jouer au piano "Il y a longtemps que je t'aime", que se renoueront ces liens.